samedi 7 juin 2008

la bouilloire électrique

Si je suis vivante aujourd'hui, c'est qu'un petit miracle s'est produit... laissez-moi vous narrer ma petite histoire authentique, bien entendu!!

"La veille au soir, tout avait basculé pour moi. Les masques étaient tombés et l'amant me semblait à présent un monstre hypocrite.

Tout avait commencé par mon refus de l'épouser et de lui faire un enfant. Je venais tout juste de divorcer de Michael. Quant à l'enfant, Jean Pierre en avait déjà trois qu'il avait plus ou moins laissé tomber. Aussi, rien ne pressait à mon gôut.

Mais Jean Pierre, offensé par mon refus, changea radicalement de ton avec moi. Puisqu'il en était ainsi, il m'annonça que des retards dans les paiements de ses clients l'obligeaient... l'obligaient, mon oeil... à laisser mon compte en débit pour un temps indéterminé.

Le règne de la confiance était bien fini. Si nous avions convenu que j'avançais l'argent pour nos besoins domestiques et qu'il me remboursait en fin de mois pour garder mon compte à jour, à présent, il était clair qu'il voulait me mettre à genoux financièrement et me faire payer ainsi ma résistance à sa volonté de mariage.

Avant le chagrin vint la colère. Une puissante rage à froid qui me fit immédiatement ramasser avec des gestes lents, un par un, tous les objets sacrés sur mon petit autel dans un grand sac de cuir que je confierai demain à mon seul ami du moment, Philippe. Ce long rangement ne passa pas inaperçu et Jean Pierre y vit bien le symbole de mon retrait. Puisqu'il me coupait les vivres, je coupais à mon tour les ponts d'une autre façon. Mon énergie, ma magie ne seraient plus disponibles pour ce couple que je pressentais moribond à présent.

Jeen Pierre avait choisi la guerre. C'était mal me connaitre et il fit là une grave erreur de stratégie. En effet, il aurait pu me manipuler encore par la douceur, les sentiments, la culpabilité, les souvenirs, les projets.

Les projets... quand c'est la fin de l'histoire, c'est bien aux projets qu'il est parfois le plus difficile de renoncer. Faire le deuil de l'autre est presque plus aisé. C es sont les projets qui ont la vie dure et qui font résister à la séparation quand bien même celle-ci est devenue inévitable.

Jean Pierre auarit pu même me mentir encore sur un redressement progressif de cette situation financière. Mais en scorpion qu'il était dans son ciel astrologique, il avait enfoncé son dard à l'endroit sensible : l'argent, le nerf de la guerre. Face à son abus de confiance enrubanné de fausses excuses, il me fallait d'urgence négocier avec ma banque un délai de remboursement par le biais peut-être d'un emprunt à court terme. Il me faudrait attendrir mon directeur de banque et trouver les mots convaincants pour gagner un peu de temps.

Mille pensées envahirent ma tête, mais surtout je me demandais comment vivre dans l'immédiat avec l'amant devenu ennemi? Comment me sortir de cette impasse et trouver à me loger ailleurs avec mes trop maigres revenus ? L'angoisse liée à toutes ces questions sans réponse me tiraillait les tripes ; une immense nausée monta à ma gorge, me replongeant dans les eaux troubles d'autres désespoirs, d'autres déprimes, d'autres cul-de-sac plus anciens, souvenirs douloureux de moments que je pensais avoir oublié.

Je dormis mal cette nuit-là, allongée près de son corps que j'évitais de toucher. Des cauchemars mélangeant passé et présent me laissèrent au petit matin des larmes séchées sur les joues et les yeux bouffis.

Le petit mot que Jean Pierre avait laissé sur la table de la cuisine me confirma que je n'avais pas rêvé cette bataille de la veille au soir.

"Je rentrerai tard ce soir. Ne m'attends pas. Préviens ta banque que je ne peux rien pour le moment"

Le regard que je me jetai dans le miroir me cingla : j'étais livide, défaite, cernée et en surimpression, je me revis, dix ans auraparavant, avec ce même masque de tragégienne, contemplant avec morbidité ma souffrance de femme mal aimée. Un sursaut d'orgueil et de dignité me poussa vers la salle de bains : toilette et maquillage en urgence! Je recomposais un visage plus avenant, me souris avec cruauté en me traitant au passage de "conne naïve".

Puis changeant soudain d'humeur, je marmonnais : "il veut la guerre, il l'aura... " Au fond de moi, pourtant, il y avait un torrent de larmes que je jugulerai au mieux. Mon mental si solide prendra le dessus des émotions jusqu'à ce que j'ai trouvé un moyen de redresser le gouvernail de ma vie que je sentais partir à vau-l'eau.

Pour le moment, j'avais juste envie de me battre et surtout de préparer un autre départ. Mais en même temps, envie aussi de mourir, d'en finir avec toutes ces histoires d'amour à la noix. Une immense fatigue d'être moi me fit m'asseoir ; fatigue de cette débauche de sentiments tendres, lassitude de me duper sur les uns et les autres, tristesse du gachis de mes désillusions.

Je me levais et je me vis tourner en rond comme un zombie. "Fais-toi du thé" me sussurra une petite voix intérieure. Il était urgent de retrouver des gestes de routine pour lâcher un peu l'angoisse et la panique qui me gagnaient.

La bouilloire électrique était là, rassurante. Contrairement à mon habitude, je ne le débranchais pas de sa rallonge reliée à la prise murale, et la tête repartie ailleurs, je laissais la rallonge alimentée et je la déconnectais dans son raccord avec la base de la bouilloire. La rallonge toujours alimentée avec la prise murale se tortilla et se déroula brusquement comme un serpent ; sa partie femelle tomba ainsi dans l'évier rempli d'eau. Electricité et eau... danger... je paniquais de voir cette rallonge alimentée en électricité plongée dans l'eau.

Et par un geste reflexe qui précéda ma pensée, je plongeais ma main dans l'eau de l'évier au lieu de débrancher la prise murale. Geste suicidaire peut-être inconsciemment ?

Tandis que ma main entra dans l'eau electrisée, une voix intérieure me dit, exactement en synchro avec ce geste fou "tu es morte". Tétanisée par cette certitude et à mon extrême surprise, je ressortis le fil toujours branché à la prise murale sans dommage!!?

Choquée par cet accident mortel mais qui s'avérait inoffensif, je regardais le fil dégoulinant d'eau sans comprendre comment je n'étais pas morte électrocutée. La mort était juste là, passée comme un souffle glacé dans mon dos et moi, j'étais vivante, miraculeusement vivante!

Cette réalisation éclata dans mon cerveau et je me mis à pleurer à chaudes larmes. La vie m'était rendue, tout était encore possible, la mort ne m'avait pas prise dans ses bras.

"Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir" J'étais bouleversée de reconnaissance, noyée dans une gratitude profonde et je me mis à genoux pour balbutier ma joie à mon ange gardien. Et puisqu'on me faisait le cadeau sublime de me donner la vie une autre fois, je jurais de ne plus oublier le caractère sacré de cette existence, de ne plus en oublier la préciosité et la précarité qui va de pair.

Une heure plus tard, toujours incapable de m'expliquer ce miracle et rayonnante du présent de cette vie redonnée, je me dirigeais vers la banque quand soudain mon regard fut attiré irrésistiblement par un petit panneau en carton scotché sur le poteau électrique en bas de la villa Polonia :

COUPURE D'ELECTRICITE
A CIMIEZ LE 21 JUIN 1988
DE 8H A 8H15

J'ai conservé ce petit panneau, preuve que les porte du ciel s'étaient entrouvertes puis refermées autour de ce petit quart d'heure de grâce et de coupure du courant électrique dans mon quartier".

1 commentaire:

Anonyme a dit…

bénie soit cette coupure de courant sans laquelle nous n'aurions pas eu le bonheur de te connaître ..........je me ballade chez toi ma belle c'est intimidant d'entrer dans ton intimité ...on croit se connaître mais finalement nous avons toujours à découvrir l'autre c'est ce qui fait le charme et l'interêt de l'amitié et de l'amour .....mille bisous j'ai aussi un blog je t'enverrai l'adresse